LA GRÈCE - Quatrième partie
7. Rhodes : 4 jours
Lever à 06 :00 heures pour le petit déjeuner puis un autocar vient nous cueillir devant notre hôtel. Les valises doivent être vérifiées mais l’agent ne semble pas plus préoccupé plus qu’il ne le faut du contenu des valises qui se dessine sur son écran de machine à rayons X. On doit passer par la porte de détecteur de métal qui ne fonctionne pas. Le coût des billets aller/retour ouverts (plus d’une journée) pour deux personnes me coûte 225 millions TRL (Lyres turques) soit $ 192.00 CAD, ce qui avouons-le n’est pas dispendieux. C'est ma manière de compenser l’opportunité que j’ai raté de vivre l’expérience olympique à Athènes alors que j’aurais pu y travailler comme bénévole.
Le départ est prévu à 09 :30 heures. La traversée dure à peine 45 minutes sur une mer calme. J’ai aussi noté que la cabine de pilotage n’était pas verrouillée et que le personnel du navire y entrait tout simplement. Il faut croire que la leçon n’a pas été bien comprise. Les contrôles de passeports et de douane sont assez expéditifs et nous nous retrouvons dans le port qui fait face aux murailles de la vieille ville.
Pour nous rendre à l’entrée de la porte de la vieille ville nous devons marcher pendant cinq minutes. À l’intérieur, je m’arrête à un guichet automatique pour y retirer des euros, puis je me fais expliquer l’endroit où se trouve ma pension. Elle est située au croisement de la rue principale Socrate, d’où je me trouve et d’une petite ruelle située à moins de 10 minutes de marche. À noter que les véhicules n’ont pas accès dans la vieille ville sauf pour les livraisons et les mesures d’urgence.
Arrivés à ce croisement, nous remarquons une petite enseigne qui indique Hôtel Isole. Nous nous engageons dans cette ruelle qui ne fait pas 6 pieds de largeur et une cinquantaine de pieds plus loin nous voila arrivés à destination.
Nous faisons la connaissance des propriétaires, Luisa, d’origine néerlandaise et Guido, fier italien du Nord et un passionné des mers. Tous deux francophones, nous sentons dès les premiers contacts que notre séjour sera des plus plaisants. Luisa m’avise que nous avons droit à un penthouse situé à l’étage supérieur et qui est doté d’une belle terrasse avec une vue remarquable de la forteresse, du port, et des murailles de la ville. Nous avons l’impression de nous installer dans un ryad, expérience marocaine encore toute récente que nous avons vécue à Marrakech et dont les similitudes sont comparables.
Sans plus tarder, elle sert en guise de bienvenue une bonne bière à Carole et un ouzo pour moi. La conversation s’engage de façon toute naturelle comme si nous nous connaissions depuis nombres d’années. Nos hôtes sont chaleureux à souhaits et nous procurent une tonne de renseignements susceptibles de nous intéresser et de nous procurer de bons moments durant notre séjour en terre hellénique.
Cette maison qui appartenait jadis à une famille turque date de plus de 300 ans. C’est un endroit joliment décoré à la tradition grecque en priorisant le bleu, couleur qu’affectionne particulièrement Guido puisqu’il est un marin dans l’âme. Les plafonds de la salle de séjour font au moins 20 pieds de hauteur. Les chambres sont de bonnes dimensions et sont surtout très confortables. Luisa et Guido quittent leur pension vers les 21 :30 heures et Luisa ne revient que le lendemain matin pour nous préparer le petit déjeuner. Chacun possède la clé de la pension.
- Généralités :
Les Chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean ont acheté des Génois cette île vers les années 1300. Ils ont érigés des remparts qui ceinturent la ville pour la protéger contre les éventuels envahisseurs. En 1522, 10,000 hommes et femmes dont 800 chevaliers font face à 100,000 soldats dirigés par Soliman le Magnifique, Sultan ottoman. Après six mois de siège, c’est la défaite. Rhodes demeura la propriété des Turcs jusqu’à sa reprise par les Italiens en 1912. Puis, lors de la 2e guerre mondiale, les Allemands s’en emparèrent. L'île fut finalement rattachée à la Grèce en 1947.
Depuis l’arrivée de l’euro en 2002 et de l’introduction de la Grèce à la CEE, le coût de la vie a triplé et les habitants ne sont pas très heureux de la chose. Beaucoup de restaurants ont pignon sur la rue Socrate et sont surtout destinés à la faune touristique. Sur les précieux conseils de nos hôtes nous avons pu déguster d’excellents repas dans des restaurants plus à l’écart et difficile à trouver.
Nous avons rencontré à des endroits très fréquentés par les touristes, de jeunes gitans pas plus vieux que 10 ans, qui demandaient de l’argent. Un jour, vers les 18 :00 heures, j’ai vu une mère, à ce qu’il me semblait, venir chercher, cigarette au bec, ses deux enfants, dont le quart de travail, je suppose, était terminé. Vraiment désolant cette philosophie de vie.
-Vieille ville :
On apprivoise notre nouvel environnement. La rue Socrate est envahie de touristes qui bien souvent débarquent des bateaux de croisière pour la journée seulement. Carole s’arrête dans une boutique et trouve un bel ensemble pour notre petite fille Maëlle, âgée de trois ans. On demande 18 euros pour chacune des pièces. Je négocie serré avec la propriétaire qui me les laisse finalement pour 23 euros. Le soir venu, je me rends dans un cybercafé pour prendre lecture de mes 262 messages. Je dois dire que je n’avais pu accéder à ma boîte de messageries de Vidéotron en Turquie. Après avoir communiqué avec cette compagnie, celle-ci m’a indiqué une autre voie d’accès pour lire mes messages.
Nous arpentons les vieilles rues de la ville tout en longeant les remparts de la forteresse. On sort des sentiers battus et on se perd dans les petites ruelles. Nous sommes étonnés de nous rendre compte que les touristes ont soudainement disparus. Nous nous engageons dans la rue des Chevaliers, jetons un coup d’œil dans de vieilles auberges, visitons le Palais des Grands Maîtres ou des Chevaliers et nous flânons dans les petites échoppes.
Le port de Mandraki, d’où nous sommes arrivés, gardait autrefois le célèbre Colosse, l’une des sept merveilles du monde antique et qui a été détruit lors d’un tremblement de terre.
Dans un autre ordre d’idées j’aimerais vous raconter cette anecdote qui s’est produite alors que nous visitions la vieille synagogue de Rhodes. Sur place nous avons rencontré un couple d’américains originaire de la Californie qui m’ont avoué ne pas être fiers de la politique étrangère de Bush et que même s’ils se trouvaient à voyager en croisière, ils ne se sentaient pas très en sécurité. La dame dans la mi-quarantaine m’a demandé d’où nous venions.
-Qc : Du Québec, madame.
-USA : Ah, vous faites partie de ces quelques personnes qui parlent le français.
-Qc : Non madame. Les quelques-uns dont vous parlez sont plus de 7 millions à parler cette langue.
USA : Est-ce à cet endroit que vous vouliez vous séparer du Canada.
Qc : Oui madame et les québécois ont raté cette chance par moins de 50,000 voix. Je lui ai dit qu’aucun coup de feu n’avait retenti et que les gens avaient accepté le résultat comme cela doit se passer dans une démocratie. Je lui ai aussi mentionné qu’advenant la séparation du Canada, il était dans les intentions du nouveau gouvernement d’entretenir d’étroites et bonnes relations avec nos voisins du Sud et qu’il n’était pas dans les plans d’interrompre l’exportation d’électricité dans les états américains limitrophes. Je lui ai fait comprendre que nous ne détestions pas les canadiens anglais mais que l’on se devait de protéger notre langue, notre culture et nos traditions qui sont bien différentes de nos voisins.
Quand nous nous sommes quittés, elle nous a souhaité une bonne fin de voyage et je l’ai sentie, de même que son mari, rassurés de savoir que les Québécois ne sont pas de dangereuses personnes. Je me rends de plus en plus compte que l’on ne connaît rien de nous et qu’il ne faille que d’un seul journaliste « red neck » qui ponde un article mensonger ou qui nous dépeigne de manière négative pour que cela ait un effet domino tant chez les anglophones du Canada que chez nos voisins américains.
-Lindos :
La ville de Lindos est situé à 50 Km de Rhodes. Nous empruntons le transport en commun qui nous permet de mieux apprécier le paysage et les petites agglomérations où l’autobus arrête pour prendre de nouveaux passagers. Nous trouvons plaisants de nous retrouver parmi la population locale qui elle aussi hoche la tête de satisfaction et de fierté à la vue de leur drapeau collé à l’arrière de nos vestes.
On ne peut rester insensible au charme et à l’imposante structure de ce promontoire coiffé d’une citadelle médiévale et d’une acropole encore très bien conservées. La vieille ville et ses maisons toutes blanches sied à ses pieds. Ce sont les byzantins et les Croisés qui ont fortifiés la ville en y érigeant une imposante citadelle. De là-haut, on peut difficilement imaginé comment l’ennemi a pu s’en emparer tant à cause de sa hauteur d’au moins 300 pieds, que de son escarpement.
Nous devons gravir les quelques 125 marches de pierres pour atteindre la citadelle. La vue sur la mer est imprenable. On a nettement l’impression d’être supérieur et d’avoir un pouvoir sur tout ce qui vit à nos pieds. Cette enceinte historique à aussi un cachet exotique pour ne pas dire romantique à cause des petits îlots d’arbres et de verdure et aussi à la vue de cette mer avec une eau limpide.
De retour à Rhodes, nous avons assisté en soirée dans un petit théâtre en plein air à un spectacle de chants et de danses grecs avec des artistes qui revêtaient les costumes traditionnels.
- Vieille ville :
Nous visitons le vieux quartier juif dont la communauté avait immigré à Rhodes à la suite de l’inquisition de 1492 en Espagne. Ces juifs sont connus sous le nom de Sépharade du fait que le nom hébraïque pour l’Espagne est « Sepharad ». En 1944, l’Île est occupée par les Allemands et plus de 1600 membres sur les 4000 que comptent cette communauté sont déportés à Auschwitz. Seuls 150 d’entre eux ont survécus et l’on ne dénombre aujourd’hui que 50 survivants.
Nous entrons dans la vieille synagogue qui date de 1577 et respectueusement nous faisons nos premiers pas lorsque nous remarquons une vieille dame en train de discuter avec un autre couple. Nous nous approchons et nous entendons cette vénérable dame âgée de plus de 80 ans expliquer les événements de sa déportation. Elle pointe du doigt son matricule imprimé à jamais sur son bras.
Puis, un jeune homme d’environ 75 ans vient à notre rencontre et nous salue en français. Il nous parle lui aussi quelque peu de cette période noire en nous disant qu’il a été déporté à l’âge de 13 ans, puis il s’arrête. Il me dit en nous montrant lui aussi son matricule : ’’ Vous savez c’est une longue Histoire ’’. Je lui répond : ’’Mais je suis prêt à écouter ’’. Il me regarde avec ses yeux mouillés et me dit : ’’ C’est trop dur à raconter. Excusez-moi ’’. Je lui tape dans le dos en lui répondant : ’’ Ça va aller, je comprend et je respecte votre décision. Je vous remercie ’’.
Ces quelques instants passés avec ses deux personnes m’ont ébranlé car c’est la première fois de ma vie que je rencontre des exemples vivants de la Shoah. J’ai ressenti une drôle de sensation que de les côtoyer. Le septuagénaire nous offre un pamphlet sur l’Histoire de la synagogue et des Juifs de Rhodes et nous demande si on aimerait voir une salle où sont remisées des photos d’époque. Nous sortons dans une cour arrière et il déverrouille une grande porte cadenassée et nous laisse pénétrer dans la pièce.
En quittant, nous nous dirigeons vers nos deux hôtes et nous leur disons en leur serrant la main : «Shalom ». Ils nous « gratifient » d’un sourire et d’un shalom.
- Départ :
Je vous ai dit au début de notre arrivée à Rhodes qu’il y avait quelque chose de spécial entre nous et nos hôtes Luisa et Guido. Hier soir, nous avons longuement discuté en sirotant quelques bières froides et l’on sentait que la fin du séjour approchait.
Le lendemain matin, je salue Luisa affairée à nous préparer le petit déjeuner et où l’odeur du café réveille notre sens olfactif. Puis, à notre grande surprise, Guido apparaît dans l’escalier et vient nous saluer avant notre départ. Nous avons vu des gens quitter depuis notre arrivée et c’est la première fois que notre gentil rital pose ce geste. On se donne la main et on se serre comme des frères. Puis, il quitte les lieux. Luisa me demande d’écrire quelques mots dans son cahier souvenir où les visiteurs donnent leur appréciation.
Je me souviens d’avoir débuté mon texte de cette façon : A ces deux étrangers que sont Luisa et Guido, qui sont maintenant devenus nos amis…….etc. J’ai remis le cahier à Luisa et elle n’a pas voulu le lire devant moi car l’émotion était palpable. J’ai laissé volontairement Carole et Luisa seules ensemble afin qu’elles puissent discuter pendant encore quelques minutes. Je suis redescendu et Luisa m’a dit en souriant qu’elle avait lu mon texte. Tout comme Guido, on s’est donné la main et nous nous sommes enlacés. Nous saluons une dernière fois cette hollandaise d’origine qui nous a traité non pas comme des visiteurs mais comme des amis de longue date.
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