Oui, j'ai fait des sauts en parachute

par

Pierre Le Ny

Quand je m'étais inscrit pour la première fois comme volontaire pour ce genre d'exercice "périlleux", le parachutisme, mon épouse était encore bien plus inquiète que moi.

En fait, à cette époque, j'étais mécanicien avion. Et tous les jours, je travaillais avec un un collègue qui en faisait pour ses loisirs. Il avait fini par me passer "son virus". C'est ainsi qu'un jour j'avais fait acte de candidature pour une formation de parachutiste (amateur). Après formalités diverses, entraînement physique, visite médicale ad hoc, me voilà dans la "mouvance".

Le moniteur (Le Lt Pêtre) avait sauté près de mille fois. Et il savait parfaitement comment s'y prendre pour mettre les candidats en confiance. Pour moi qui connaissais parfaitement les lois de l'aérodynamique, je n'avais pas eu de difficulté à tout comprendre ce qui se passait aussitôt après le lancement dans le vide, par la porte arrière de l'avion.

Cependant, je me rappelle encore, dans les minutes qui précédaient le saut dans le vide, tous les parachutistes devenaient progressivement silencieux, concentrés, en attendant l' instant délicat. Imaginez, une quinzaine d'adeptes, avec casque sur la tête, parachute bien harnaché sur le dos, des grosses chaussures, à la queue leu leu, avec surtout la main sur la sangle appelée SOA (sangle ouverture automatique), accrochée à un gros câble et bien contrôlée par le Responsable avant la sortie fatidique.

Quand la sirène sonne, ça veut dire qu'il faut y aller en vitesse, l'un après l'autre, car il n'y a que 30 à 40 secondes pour que tous soient dehors. Pas question de gêner celui qui suit derrière, ni l'opération ! Imaginez un instant que vous êtes un mouton de Panurge qui fait exactement comme celui qui vous précède : sauter sans réfléchir ! Car c'était avant qu'il fallait réfléchir !

Mon meilleur souvenir : c'est le temps qui passe entre le moment où l'on franchit la porte de l'avion et le moment où le parachute s'ouvre : une sensation d'apesanteur. Cela est probablement dû à la décélération, le passage du déplacement horizontal dans l'avion à celui du déplacement vertical en faisant un arc de cercle, tout en étant freiné et partiellement porté par le vent.
 
    Pendant cette période, on a une sensation de légèreté, même si ça ne dure pas bien longtemps. Ensuite, d'un seul coup, il y a un claquement sec à l'ouverture et en levant la tête, on voit une coupole toute déployée au dessus, avec un grand nombre de fils de nylon périphériques bien tendus. Il faut alors faire un tour d'horizon pour voir s'il n'y a pas d'autres parachutistes trop près autour. Et s'il y en a en actionnant les "suspentes", il faut veiller à s'en écarter, pour éviter une collision qui pourrait mal tourner.
 
    Et là, dans  un grand silence, c'est comme une période de béatitude généralisée qui vous envahi. Malheureusement, ça passe vite. Et pendant ce temps,  il ne faut perdre les pédales, car le plancher des vaches approche à grand vitesse. Et il faut se préparer pour faire une arrivée, sinon triomphale, au moins la moins mauvaise possible, pour ne pas se faire mal d'abord, mais aussi pour ne pas décevoir les observateurs !
 
    En agissant sur les poignées des suspentes, quelques 30 sec. à 40 secondes avant d'arriver au sol,  on doit se mettre face au vent, comme en avion, pour atterrir en douceur. Car sinon, le défilement latéral du sol rendrait très difficile l'arrivée sur la terre ferme, sans être roulé au sol. 
 
    Précautions principales : tenir les genoux bien serrés, les jambes légèrement pliées, et exercer une traction ponctuelle avec les mains sur les suspentes, juste avant de toucher le sol, pour amortir le choc. Ensuite, il faut vite ramasser son parachute, car sinon avec le vent, il pourrait se ré-ouvrir, et vous traîner à l'horizontale cette fois.

Finalement, c'est un peu comme dans la vie de tous les jours. C'est important d'imaginer par avance les circonstances qui vont être rassemblées, parfois en seulement quelques secondes. Autrement dit avant, il faut préméditer longuement et avoir conscience de tout ce qui va se passer.

Et cela, je le faisais surtout en pliant moi-même parfaitement mon parachute. Car en fait c'était surtout de celui-ci que tout dépendait : il y a d'innombrables fils, des fuseaux, des sangles, des garcettes etc. ... Heureusement, le tout était contrôlé par un spécialiste. Le fameux dicton "parfois la vie ne tient qu'à un fil" était donc là tout à fait de circonstance .

En fait, je n'avais sauté qu'une dizaine de fois (années 1963/1964). Car par la suite (1965) j'avais été affecté dans une autre Unité (Forces aériennes Stratégiques : Bombardier porteur de bombe atomique) où il n'y avait pas cette possibilité.

Cette expérience m'avait cependant été très utile par la suite, car de ce fait, j'avais été autorisé à voler sur Avion de Chasse Mirage III B (biplace) comme mécanicien. Je me rappelle, tous les 3 mois je devais faire un exercice d'éjection sur un siège spécialement prévu à cet effet (au sol). Ce fut ainsi que j'avais eu l'occasion de faire de nombreux vols : essai, liaison diverses, ou même une fois un exercice de largage de la Bombe at. , sans rien larguer bien sûr !, au dessus du Massif Central en France ( Pilote AdJ/Chef Etcheto).

Une fois cependant en plein vol, en Avion Mirage III avec le Capitaine Préville, j'avais bien cru pendant quelques instants que je devrais actionner mon siège éjectable, et de me retrouver suspendu au bout d'un parachute. C'était au dessus des Vosges dans l'Est de la France, en panne radio complète, sans radar, le GPS n'existait pas encore, sans visibilité, un jour de février 1968. Tout le Nord de la France était recouvert d'épais nuages, et nous étions en plus, à court de carburant.

Ce qui nous avait sauvé, c'était un Contrôleur Radar au sol qui avait flairé notre difficulté, en détresse réelle, et avait dérouté un autre avion pour venir à notre secours et nous guider vers la Base Aérienne la plus proche. Finalement il n'y avait pas eu besoin de nous éjecter, mais c'était limite, car nous n'avions presque plus de carburant, seulement pour quelques minutes ! Bien sûr, après l'atterrissage avec tant d'émotions, nous avions "arrosé ça" comme il faut ! Inoubliables !

Conclusion : parfois dans la vie il faut prendre des risques. Car celui qui ne risque jamais rien n'a rien. À condition toutefois que ce soit des risques calculés !
Pour faire du parachutisme, il faut avoir non seulement "un peu la tête dans les étoiles", mais surtout ne pas avoir les deux pieds dans le même sabot !

Pierre Le Ny, Bretagne (France), membre de RIAQ-FORUM et des Grands-parents virtuels